Article publié le 09 Décembre 2018 13:00:00
par Katia RENARD

Pourquoi les chiens en refuge dorment-ils moins que les autres ?

En 2016, une étude dirigée par deux chercheurs des universités de Lincoln et Liverpool, au Royaume-Uni, révélait que les chiens en refuge dorment moins que les autres, ce qui génère plus de stress et de problèmes de comportement. Un obstacle à leur adoption ?

Publiée en octobre 2016 dans la revue Plos One, cette étude a révélé que les chiens en refuge dorment en moyenne 15% de moins que les autres chiens dans la journée. Pour l’auteure principale des travaux, Sara Owczarczak-Garstecka, anthropologue et éthologue, ce sont le nettoyage des cages, le nourrissage, les promenades, les visites des adoptants potentiels et des vétérinaires qui sont les principaux éléments perturbateurs de leur repos dans la journée.

Des signes de stress

Les chiens qui vivent dans un foyer ne connaissent pas ces perturbations car ils évoluent dans un environnement plus calme, notamment parce qu’ils sont seuls une partie de la journée. «La plupart des chiens domestiques vivent dans un environnement beaucoup plus calme et des recherches antérieures montrent qu'ils dorment aussi plus longtemps dans la journée», a précisé la chercheuse lors de la publication.

Le manque de sommeil des chiens s’exprime par des signes de stress plus importants comme tirer la langue, manifester des mouvements répétitifs et nerveux. Ce qui les rend moins réceptifs aux indications des éducateurs canins chargés de leur éducation afin de faciliter leur retour à une vie dans une famille.

Ce manque de sommeil a des conséquences aussi sur leur santé. «Nos données montrent qu'un temps de repos plus long dans la journée est un indicateur de santé très clair pour les chiens de refuge, davantage que le temps de sommeil nocturne», conclut la chercheuse.

Des visites qui excitent

Vétérinaire et propriétaire du refuge Aide aux vieux animaux,  Thierry Bedossa estime que le manque de sommeil dans la journée des chiens en refuge n’est qu’une des conséquences du paradoxe de ces structures d’accueil. «L’environnement est souvent extrêmement pauvre en stimuli dans le quotidien des chiens de refuge, avoue le vétérinaire, ils sont pour beaucoup dans des boxes exigus sans enrichissement. Ils sont à la fois contraints dans l’espace et dans leur activité, ce qui les met dans un état de très grande frustration. Mais à l’inverse, ils sont sur-stimulés quand des personnes s’approchent de leurs boxes, que ce soit les soigneurs, familiers, ou les visiteurs qui sont des adoptants potentiels.»

Pour le professionnel, ces visites sont une source majeure de stress. «Vous constatez que les chiens aboient énormément quand des gens arrivent près des boxes, poursuit Thierry Bedossa, ils s’énervent, vont et viennent et toute cette excitation se propage de box en box.»

Le côté irrégulier et imprévisible de ces montées en excitation peut non seulement avoir des conséquences sur la qualité de sommeil des chiens mais sur la qualité de vie, et donc la santé de ces animaux.

Révolution éthologique pour les refuges

«Ce qui est paradoxal, analyse-t-il, c’est que les parcs zoologiques modernes ont tout mis en place pour enrichir l’environnement des animaux sauvages qu’ils hébergent. Tant dans le décor, les activités proposées que la manière de distribuer la nourriture, si bien que finalement ces animaux subissent moins les allées et venues des visiteurs devant leurs enclos. Ils finissent par les ignorer. Ils peuvent même dormir pendant qu’on les observe. Vous n’observez pas en parc zoologique ce que vous voyez en refuge !»

Pour lui, tous les refuges devraient quitter les villes pour migrer à la campagne et, à l’image de ce que fait AVA, son refuge à Cuy-Saint-Fiacre (76), proposer à leurs protégées de vastes enclos, une vie en groupe et un enrichissement du milieu proche de celui qui est pratiqué dans les parcs zoologiques qui ont fait leur révolution éthologique. Il conseille aussi d’éviter les boxes en vis-à-vis qui soumettent les chiens à des congénères pas forcément acceptés. Des haies végétales, des murets sont de bons moyens de créer des barrières visuelles.

Il estime en outre que les refuges qui ne permettent pas aux potentiels adoptants un accès direct aux boxes des chiens mais qui organisent une rencontre avec un chien à la fois dans un lieu plus calme, minimisent les inconvénients de cette vie surstimulée…